AOP / Pour communiquer positivement sur la filière, la section laitière avait invité Laurent Courtot, de la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, ainsi que Yann Lescouezec, directeur de la laiterie Étrez-Foissiat pour parler de l’AOP Beurre et Crèmes de Bresse.
Que de chemin parcouru depuis le début du dossier en 1999. À cette époque, un long travail a été mené pour démontrer à l’INAO, « le terroir, l’histoire, les savoir-faire et les pratiques particulières », qui caractérisent cette appellation d’origine contrôlée, aujourd’hui reconnue au niveau européen avec une AOP (protégée).
Évidemment, tout part du terroir. Laurent Courtot faisait ainsi l’éloge des « zones humides, des sols argileux propices au maïs, du bocage bressan, des parcelles boisées, des paysages en mosaïque », délimités principalement dans l’Ain et la Saône-et-Loire, avec « un peu », la Bresse du Jura. La culture du maïs est ici multicentenaire, avéré depuis 400 ans en Bresse. Côté savoir-faire, la fabrication en baratte, avec une maturation biologique longue des crèmes, a toujours permis une meilleure conservation. Un fait reconnu par l’histoire des marchés locaux et des « fameuses beurreries » et coopératives présentes sur toute la Bresse dans les années 1930. Les marchés locaux n’étant pas en reste.
Avec cette alimentation des vaches à l’herbe et au maïs, le lait est caractérisé par son taux élevé de matière grasse avec « des globules gras plus gros qu’ailleurs, riches en composés aromatiques et de qualité » donnant des produits qui, en cuisine, « captent mieux les arômes » des aliments mijotés avec.
Il faut dire que ces qualités intrinsèques avaient et ont toujours la chance d’être non dégradées grâce à une collecte et à une transformation locales. La collecte du lait se faisant hier autour des ateliers lait des exploitations et encore aujourd’hui, les trajets de collecte sont optimisés.
Actuellement, l’AOP compte 69 élevages dont la moyenne de production tourne autour des 600.000 l/an avec 80 vaches. Au total, 41 millions de litres sont collectés par Étrez (60 producteurs), 6 Ml en direct à la laiterie de Bresse (10 producteurs) et une maigre partie via Sodiaal. Au final en 2021, 1.392 t de crèmes et beurre ont été produits (+9 %/2020), 531 t de beurre et 861 t de crèmes (404 t épaisse et 457 t semi-épaisse). Une production multipliée par trois depuis 2013. La seule Saône-et-Loire abrite 20 élevages pour 14 Ml représentant donc 11 % de la collecte du département en lait. Mais pour obtenir des tonnages de beurre et de crème, ce sont 20 millions de litres de lait qui ont été en réalité nécessaires.
Caractéristiques des produits
Ce qui donne une crème de Bresse qui, sans aucun ajout d’épaississant ou d’arôme, est de couleur blanc cassé, d’un aspect brillant et lisse avec peu ou pas de bulles apparentes. Deux types de crème se distinguent par leur niveau de matière grasse, leur acidité, leur texture et leur aptitude culinaire différente :
• la crème semi-épaisse se caractérise par son onctuosité, une pointe d’acidité et des notes de lacté cuit, de biscuit sucré et de vanillé ;
• la crème épaisse se distingue par une acidité marquée et une expression aromatique développée, intense au nez comme en bouche, avec des notes de fraîcheur en bouche et des arômes marqués de lait et de beurre.
Le beurre de Bresse, lui, est doux, de couleur jaune soutenu avec une texture souple et aérée, avec de très fines gouttelettes d’eau. Il est facile à tartiner, a une tenue à la cuisson exceptionnelle avec une odeur de petit-lait, des notes florales, ou légèrement sucrées. Fondant en bouche, son goût est dominé par des notes lactées de fraîcheur en bouche et de fruits secs.
Des règles amenées à évoluer
Qui dit AOP dit donc délimitation géographique et celle-ci impose un rayon de collecte de 30 km autour du site de transformation. Laurent Courtot expliquait alors les principales règles du cahier des charges, avec notamment un équilibre entre rations d’herbe et de maïs. Chaque vache doit au moins avoir 60 ares d’herbe sur l’exploitation et au moins 10 ares de pâture sur la période estivale, et ce, avec minimum 150 jours de pâture, etc. Il annonçait une refonte du cahier des charges en négociation, que cela soit sur les durées minimales de pâturage ou encore le rayon de collecte autour du site de transformation.
Le directeur d’Étrez-Foissiat, Yann Lescouezec, rappelait en quoi ce cahier des charges était en avance sur son temps : « les clients veulent du pâturage », se félicitait-il. Un argument de vente fort qui va dans le sens d’une agriculture durable. Par contre, une partie des clients « ne veut plus de plastique ce qui n’est pas sans nous poser des problèmes pour les pots et faisselles », se creusait-il la tête. Pour lui, en revanche, au contraire d’autres zones fromagères de montagnes, la race de la vache (75 % de montbéliardes, hausse des croisées) ou les tourteaux OGM sont des non-sujets en termes de commercialisation. « Les clients veulent de la qualité et du local. Une AOP est locale par définition. La Bresse a une identité. On s’appuie dessus. À Dijon ou à Lyon, on est déjà moins connu », regrettait toutefois Yann Lescouezec. N’est pas Comté qui veut.
Valoriser en même temps le méton
Mais son principal défi vient plus de la valorisation du fromage maigre, le méton, coproduit. Une IGP cancoillotte est donc en phase de reconnaissance pour « valoriser » ce méton. C’est ce difficile équilibre matière qui fera le vrai développement ou non de la filière et du prix payé aux producteurs.
Ce n’est pas faute d’avoir essayé d’autres process fromagers mais « on ne fait pas de bons fromages avec du lait écrémé. On part seulement sur du lait caillé pour des sauces industrielles ». Les volumes actuels ne permettent pas de partir sur de la déshydratation en poudre qui nécessiterait tout de suite des investissements lourds, « sans certitudes économiques en plus à moyen termes ». Au final, seul 50 % du lait part donc en AOP. Yaourts, emmental, faisselles… sont déclinés sur la marque Étrez.
Des commerciaux sillonnent la région et développent les ventes en grande distribution comme en centrale d’achat pour les restaurants (RHF). Avec 84 salariés, sur deux sites à Saint-Denis-lès-Bourg et Foissat, le directeur « réfléchit à massifier » en investissant dans une usine neuve à Foissat pour « saturer » les outils sur les deux sites. « On cherche du lait », informait-il sans promettre d’accepter tout le monde. « On ne veut pas renier sur nos prix du lait et on fait attention à nos coûts de collecte, faibles à 9 €/1.000 l ».
Le président de la section laitière de la FDSEA de Saône-et-Loire, Stéphane Convert, les remerciait et les invitait à participer aux portes ouvertes prochainement avec Metro, ce 24 mars, puisque cette centrale d’achat et distributeur aux seuls professionnels des métiers de bouche « veut se tourner vers la qualité ». Pour rappel, un tiers du lait français passe par le circuit RHF et restauration collective.
Cedric Michelin