Pour Franck Lenoir, vice-président d’Interval, deux mots pour qualifier cette moisson 2024 : « presque catastrophique ». Thierry Vallet, vice-président de Terre Comtoise, pointe aussi les fenaisons qui se sont étalées sur deux mois, « usant physiquement les agriculteurs ».
« On n'a rarement connu un tel niveau de rendement en blé, autour de 52-53 quintaux contre 70 quintaux l'année dernière », indique Franck Lenoir, vice-président d’Interval. Les variétés résistantes aux maladies s’en sortent un peu mieux. Heureusement, la qualité est « plutôt préservée », souligne le céréalier. Pas de souci de mycotoxines donc. Par contre le PS est anormalement bas, inférieur à 73 en moyenne alors que la norme pour les blés meuniers est de 76. « Il semble que les meuniers soient conscients des difficultés de la récolte actuelle, ils sont capables de faire du pain avec un PS autour de 73 », tempère Franck Lenoir.
En orge d'hiver et de printemps, les résultats sont aussi très décevants.
La culture de colza tire son épingle du jeu et se maintient avec 33 quintaux de moyenne. « C'est la seule bonne nouvelle de la moisson d’été ! »
Pour les cultures de printemps, plusieurs cas de figure. « Sur les sojas, maïs et tournesols en terre fraîche qui ont pu être semés dans des dates normales, c'est plutôt bien. En parcelles hydromorphes, terres blanches non drainées, semées tardivement, un petit bémol… Mais globalement c'est plutôt beau. Ce qu'il faut espérer, c’est quelques pluies d’orages en août pas trop violents »
Franck Lenoir reprend sa casquette de président du syndicat des irrigants du Jura. « L'irrigation tourne en ce moment sur les cultures de semences, les maïs et les sojas. Pas de problème de ressources : les nappes sont rechargées, tout va bien », déclare ce dernier. Le coût de l'énergie, gasoil et électricité, reste élevé et fait dire au responsable agricole : « Si on pouvait limiter cette année l'irrigation, ce serait bien. On scrute le ciel pour voir des orages qui arrivent. »
Des fenaisons qui s’éternisent
Thierry Vallet, vice-président de la coopérative Terre Comtoise, résume l’état d'esprit des agriculteurs : « vraiment beaucoup de morosité, d'inquiétude ».
Pour les productions fourragères, la fenaison n’est pas terminée partout et s’éternise. Pas forcément une question d'altitude mais de portance des sols. « Personnellement, on a fait les foins sur deux mois, parfois en même temps que les regains. Et les regains vont aussi à leur tour se faire sur deux mois. Ce sont des travaux qui durent, qui usent. Cela pèse physiquement sur les agriculteurs. »
Pour cet hiver, l’éleveur table sur des rations « qui vont être compliquées », avec des qualités de foins médiocres. « La réduction des 8 % voire 10 % de production laitière demandée par l’AOP va se faire naturellement… »
Du côté des céréales, le représentant de Terre Comtoise, partage le constat général. « C'est la catastrophe, avec pour l'instant que 40 % de blés panifiables et des emblavements moindres car tout le monde n’a pas pu semer. Il y aura un impact sur les prix et les débouchés. »
On relève une moyenne d’environ 40 quintaux en blé, sur la zone de collecte de la coopérative. En colza, les rendements se tiennent.
« Nous allons manquer d’orge pour l'usine d'aliments, nous aurons sûrement recours aux achats », note aussi Thierry Vallet.
Le vice-président de la coopérative mise « sur de beaux sojas et maïs pour ceux qui ont pu semer au printemps. »
Revenant aux récoltes de blé et d’orge, Thierry Vallet s’inquiète pour le niveau de trésorerie des céréaliers au moment des semis d’automne.
« Avec les faibles rendements et une forte pression des adventices et maladies, c'est sûr que l'on ne couvre pas les charges. Il peut vite manquer 200 euros à l’hectare. Ce n'est pas l’euphorie, on le sent », termine le représentant de Terre Comtoise.
IR