La population importante de cervidés en Forêt de Chaux provoque des dégâts sur les plantations de l’ONF, les parcelles agricoles voisines, et jusque dans les jardins... Face à cette situation, une expérimentation se met en route : 15 hectares de micro-prairies ont été ensemencés dans le massif en septembre.
Mardi 15 octobre, rendez-vous était donné en forêt de Chaux, entre la 2ème et la 3ème colonne. Le long d’un chemin forestier, une longue bande de terre ensemencée commence à bien verdir.
« Malgré une année très humide, l’essai a été techniquement réussi », constate Jean-Marie Sermier, président du Pays dolois, à l’origine avec l’ONF de cette visite sur le terrain, accompagnée du sous-préfet de Dole, les élus des communes voisines, des représentants de la fédération de chasse et de la presse.
Cette parcelle fait partie des 34 micro-prairies ensemencées en août et en septembre en forêt de Chaux dans le but de pousser les cervidés à se nourrir dans ces espaces de gagnage avec une herbe de qualité, et les détourner ainsi des plantations de l’ONF.
« Le souci vient de la population importante de cervidés en Forêt de Chaux qui provoque des dégâts. Les cervidés croquent de jeunes bourgeons et sortent se nourrir dans les prairies des communes voisines. Les dégâts ne sont pas rares en vallée du Doubs », constate Jean-Marie Sermier.
L’an dernier, l’ONF, la Fédération des chasseurs et l’Etat ont décidé de réguler un peu mieux la population de cerfs en augmentant le plan de chasse.
Pour compléter cette mesure, l’implantation de prairies semble une piste prometteuse. Elle fait partie des aménagements cynégétiques possibles, déjà testé dans d’autres massifs forestiers.
Trop de cerfs ?
Selon Florent Dubosclard, directeur de l’ONF du Jura, « cette initiative répond à la problématique de déséquilibre entre la flore et la faune, un déséquilibre sylvo-cynégétique observé depuis plus de 10 ans ».
Réintroduit dans le massif dans les années 80, le cerf s’est développé dans ce milieu au sol chimiquement pauvre qui produit une matière végétale peu nourrissante, - sachant que le cerf ingère 15 kg de nourriture par jour -, et qui offre donc une capacité d’accueil de la population cervidée plus faible. « En théorie, il faudrait cibler 2 animaux pour 100 ha. Le massif fait 20 000 ha, je vous laisse estimer la population… », indique Michel Romanski de l’ONF, responsable de l’unité territoriale de la forêt de Chaux.
La consommation excessive de jeunes arbres par les cerfs, que ce soient de plants ou par renouvellement naturel, contrarie l’effort de rajeunissement de la forêt mené par l’ONF. Sans oublier la nécessaire adaptation de la forêt au réchauffement climatique. « Dans cette forêt, où hêtres et chênes sont présents, le hêtre est voué à régresser du fait de sa sensibilité à la sécheresse et à la chaleur estivale. Cela veut dire promouvoir le chêne. Or cette essence est très attirante, le jeune semis est un bonbon pour le cerf ! », ajoute Florent Dubosclard.
Désengrillager la forêt
Si l’expérimentation des micro-prairies en forêt de Chaux donne de bons résultats, cela permettra de « désengrillager » la forêt, à savoir éviter de poser de nouveaux grillages pour protéger les jeunes plantations, aller vers le retrait des grillages existants et restaurer une continuité écologique pour la faune. Actuellement, 700 ha de plantations sont protégés, soit 100 km linéaire de grillage.
L’an prochain, l’ONF espère pouvoir libérer entre 30 à 50 ha de forêt dans les plantations de chênes de plus de 10 ans. « Ce sont des arbres d’environ 3 mètres de haut, moins sensibles à la dent du cerf, mais nous serons attentifs car les biches sont capables de plier des plantations pour se nourrir », remarque Michel Romanski.
Pour Christian Lagalice, président de la Fédération des chasseurs du Jura, « l’objectif des micro-praires est de fixer la population de cerfs dans le massif avec une double finalité : qu’ils mangent moins les plants de chêne et en même temps que nous débarrassions la forêt de ces grillages. Il faut laisser les espèces aller. Redonner à tous les animaux de la forêt cet espace dont ils ont besoin. »
50 000 euros
Dans cette expérimentation, l’Etat est particulièrement impliqué. Sur 50 000 euros de crédits mobilisés, la moitié provient de l’Etat au titre des Fonds vert pour accélérer la transition écologique dans les territoires. Le Pays dolois a apporté 5 000 euros, l’ONF, 5 000 euros, les trois communautés de communes concernées (Grand Dole, Val d’Amour et Nord Jura) ont financé 10 000 euros, et la Fédération des chasseurs du Jura, 5 000 euros.
« Cette expérimentation vise à limiter les dégâts causés par les cervidés. Mais la forêt de Chaux est aussi un écosystème naturel qu’il faut équilibrer. Il est intéressant pour l’Etat de mener ce type de partenariat avec les collectivités locales et associatives. C’est un projet intéressant pour tout le monde », remarque Hugues Alladio, sous-préfet de Dole.
« La forêt est importante du point de vue climatique et économique. Elle est un lieu pour tous, randonneurs, chasseurs, forestiers… », conclut le sous-préfet.
IR
Semis : « Un gros travail de préparation »
C’est l’entreprise de travaux agricoles la SARL des Chintres à Chateley qui a réalisé l’aménagement des micro-prairies en forêt de Chaux. Les semis ont eu lieu en août et en septembre avec un mélange de fétuque élevée, fléole, trèfle blanc, Ray grass anglais, mélange préconisé par le technicien d’Interval, prisé des ruminants et adapté au milieu, avec une implantation « agressive ».
« La préparation a demandé un gros travail, sur une quarantaine de chantiers », indique Francis Chevalier, co-gérant de la SARL des Chintres avec Stéphane Ramaux. Deux passages de broyeurs forestiers (sous-traités à l’entreprise ETBE de Champdivers) ont été nécessaires pour chaque parcelle, un travail du sol sur une profondeur de 5 à 10 cm, un semis à 50 kg/ha avec un semoir de sursemis de prairie, un roulage des parcelles. Une à deux fauches seront réalisées l’année prochaine pour entretenir les prairies.
Les micro-prairies sont installées sur des accotements de routes forestières où poussent la molinie, grande herbe fibreuse, et des fougères. « Ce sont des zones non boisées en bordure de parcelles où il n’est pas prévu de coupes », indique l’ONF.