ÉCONOMIE
Les fromages AOP à l’épreuve de l’inflation française
Après une année 2022 en léger déclin (2% de recul des ventes), l’année 2023 a confirmé une baisse des ventes sur les 51 AOP françaises : 46 fromages, trois beurres et deux crèmes en recul de ventes global de 6% (-3% pour les fromages). Au terme d’une année 2024 également morose pour les producteurs, ces derniers espèrent voir remonter leurs chiffres à l’occasion des fêtes.
« En ce qui concerne les situations économiques des AOP en France, il existe de grandes disparités sur le territoire », amorce Hubert Dubien, président du Conseil national des appellations d'origine laitière (Cnaol) et producteur de fourme de Montbrison (AOP). Selon lui, cette baisse globale des ventes reste indubitablement liée au contexte inflationniste, qui s’est installé en France depuis plusieurs années. Les appellations les plus onéreuses sont donc celles qui en subissent davantage les conséquences, les consommateurs favorisant les produits les moins chers.
Un contexte globalement morose
« L'année était assez difficile pour tout le monde, les consommateurs sont anxieux face aux instabilités économiques, politiques, géopolitiques… l’ambiance est assez morose », soulève Hubert Dubien. Les disparités se trouvent cependant bien marquées selon les appellations : « Les caprins s’en sortent visiblement bien sur les marchés. Mais certaines pâtes pressées cuites, ou pâtes persillées, s’en sortent mieux que d’autres. Typiquement, l’AOP bleu d’Auvergne se porte très bien, est en progression, contrairement à la fourme d’Ambert, qui se trouve dans une dynamique stable, voire en légère baisse », observe-t-il. « Cet exemple renforce notre vision des choses vis-à-vis de l’inflation, puisque le bleu d’Auvergne se trouve sur un segment de prix inférieur à celui de la fourme d’Ambert », relate le président du Cnaol. Malgré quelques bouleversements dans les attitudes de consommation, Hubert Dubien décrit une situation « non catastrophique » et invite les producteurs à agir en responsabilité afin de pérenniser les AOP françaises.
« Nous devons continuer de parler de nos produits »
« Nous continuons à travailler, à produire dans le respect de nos cahiers des charges, qui sont d’ailleurs en train d'évoluer pour la plupart des appellations. Nous devons simplement continuer de produire au mieux et communiquer sur nos produits », explique le président du Cnaol. Une solution cependant difficile à mettre en œuvre, avec des enveloppes budgétaires dédiées à la communication « de plus en plus restreintes et difficiles d’accès », d’après Hubert Dubien. Maxime Mathelin, directeur du syndicat de défense du beaufort, confirme cette nécessité de communiquer : « Sur les douze derniers mois, les ventes de beaufort ont également baissé de 3 %. Il faut se battre au quotidien pour développer de nouveaux marchés, surtout face à un marché concurrentiel de fromages qui font partie du même rayon. La communication est un levier indispensable. Nous mettons notre inventivité, notre créativité au service de notre produit, afin de le faire connaître davantage au consommateur. C’est un travail qui sera mis en place en 2025, d’une part, tandis que nos producteurs redoublent d’efforts pour produire le meilleur produit possible d’autre part, le tout en restant fidèle au cahier des charges ».
Une baisse de régime qui ne décourage pas les AOP : en 2023, la France comptait 63 produits laitiers bénéficiant d’une indication géographique (IG), 51 produits en appellation d’origine protégée (AOP) et 12 d’une indication géographique protégée (IGP). L’année 2023 a d’ailleurs été marquée par l’enregistrement d’une nouvelle IGP : la Tome fraîche de l’Aubrac. En 2024, c’est le mothais sur feuille, fromage à pâte molle et à croûte naturelle au lait de chèvre, qui a obtenu son AOC et qui espère bien rejoindre la famille des AOP fromagères françaises, en 2025.
Charlotte Bayon