Gel du vignoble
« Certains sont au bord du désespoir »

Le lundi 29 avril, préfet, élus locaux et viticulteurs se sont réunis pour trouver des solutions d’urgence mais aussi à plus long terme face aux dégâts du gel sur les vignes. Les dommages répétés menacent l'avenir de la filière.

« Certains sont au bord du désespoir »
Réunion : Valérie Closset, présidente de la SVJ, et les viticulteurs présents, ont rencontré le préfet et les élus locaux pour dresser le bilan du gel.

Une fois de plus, les viticulteurs sont confrontés à une crise majeure : les gelées printanières ont ravagé les récoltes. Le préfet Serge Castel est allé à la rencontre des viticulteurs jurassiens. « Le vignoble du Jura est le plus impacté de France par cet épisode. Il faut trouver une solution pour ne plus être aussi vulnérable, devenir plus résilient. Nous devons répondre à l'urgence mais aussi réfléchir au long terme », a-t-il déclaré devant une assemblée de vignerons et de représentants de la profession.

A Arbois, le représentant de l’Etat a visité plusieurs parcelles pour constater les dégâts. « Dans le secteur, les vignes ont gelé à 70%, » témoigne Joël Morin, président de la fruitière vinicole. « Il y a des parcelles que nous ne vendangerons pas ». A Poligny, où se tenait ensuite une réunion de travail, le bilan n’est pas meilleur : « Tout a grillé, » explique Jean-Yves Noir du domaine de la Petite Marne. « Sur nos 11 hectares de vignes, 8 ont entièrement cramé, Il n'y a plus une feuille, plus un bourgeon vert, et les 3 autres hectares sont détruits à 70 %. Cela remet en cause notre stratégie commerciale. Nous avions commencé à travailler l'export, c'est un gros investissement car les salons coûtent cher. Nous avions des clients potentiels mais nous n'aurons rien à leur vendre ». Pour les viticulteurs, le fardeau est double : non seulement la récolte est compromise, mais les charges financières restent les mêmes, qu'il y ait des fruits à vendanger ou non.


61% du vignoble gelé à plus de 50%

Il faut dire qu’avec le réchauffement climatique, les vignes débourrent de plus en plus tôt et se retrouvent à la merci du moindre gel printanier. La semaine passée, la température est descendue à -2,8° avec un taux d’humidité très élevé. « Nous avons déjà connu de tels épisodes en 2017, 2019 et 2021 », rappelle la présidente de la société de viticulture du Jura Valérie Closset. Selon les estimations de la SVJ, 61% du vignoble a gelé à plus de 50% cette année. Des chiffres qui ne peuvent qu'empirer au fur et à mesure que les dégâts sont constatés car « de jour en jour, les vignes, qui étaient toutes en fleurs, dépérissent ». En pourcentage des dégâts, 2024 se situe déjà entre 2017 et 2021.


Des épisodes catastrophiques qui tendent à être de plus en plus fréquents : « En 8 ans, j’ai connu quatre années de gel dévastateur », raconte Bastien Baud installé au Vernois. « Alors qu’en 38 ans, mon père ne l’avait subi que 3 fois ».

Eoliennes pour brasser l’air plus chaud, fil chauffant, chaufferettes au gaz ou pelés, bougies de paraffine, certains viticulteurs tentent de s’équiper pour faire face à ces épisodes de grands froids mais l’efficacité de ces solutions n’est pas garantie. « A Gevingey, nous avons mis en place des bougies. Elles ont permis de gagner un degré mais la bise a amené une masse d'air très froid contre laquelle nous n’avons rien pu faire. Sans compter que les bougies coûtent 2 000€ l'hectare, » explique Valérie Closset. Même les tailles tardives n’ont pas été efficaces cette année.


Certains sont au bord du désespoir

Cette répétition pèse lourdement sur l'ensemble de la filière viticole. Valérie Closset a exprimé le désarroi de la profession : « Cette crise affecte avant tout les personnes. Certains sont au bord du désespoir. En fin de semaine, nous avons été submergés d’appels. Face à la récurrence de ces épisodes il y a un véritable ras-le-bol. Il est crucial de gérer cela».

Le préfet a souligné l'importance de lui faire remonter ces situations critiques afin de trouver des solutions pour répondre à l’urgence. Il compte s'appuyer sur la commission du mal-être agricole mise en place dans le Jura et regroupant tous les acteurs concernés : services de l’Etat, MSA, OPA, ARS, banques, etc. Serges Castel va aussi transmettre un bilan des dégâts au ministère de l’Agriculture et inviter le délégué interministériel au mal-être agricole, voire le ministre de l’Agriculture, à se rendre dans le Jura.

Pour être indemnisé, les viticulteurs peuvent voir avec leurs assurances récoltes mais, face au prix, très peu ont fait le choix d’y souscrire. Les calamités n’existant plus, ceux qui ne sont pas assurés pourront éventuellement bénéficier de l’indemnisation par la solidarité nationale (ISN) mais elle ne prend en charge que 40% des frais occasionnés au-delà de 50% de perte. Et face à ces gels de plus en plus récurrents, les viticulteurs jurassiens craignent que les prix de leurs assurances ne s’envolent.

« Notre meilleure assurance, c’est notre stock, » réagit Bastien Baud. « Heureusement 2023 a été une bonne année mais les stocks s’épuisent ». Stock que n’ont pas les jeunes installés qui se retrouvent dans des situations compliquées.

 

M.K.D et S.C. 

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