GDS39
MHE et FCO : vacciner dès maintenant les animaux sans signe clinique

Compte tenu de l’actualité sanitaire, le thème de l’assemblée générale du Groupement de défense sanitaire du Jura a porté sur les maladies vectorielles, MHE et FCO, qui touchent actuellement notre pays et notamment le Jura.

MHE et FCO : vacciner dès maintenant les animaux sans signe clinique
Photo : Don DeBold

La période douce et humide de cet automne a été favorable aux insectes vecteurs de maladies et à la propagation de la MHE (maladie hémorragique épizootique) et de la FCO (fièvre catarrhale ovine), dans ses sérotypes 3 et 8. Pas une semaine sans son lot d’informations alarmantes pour les éleveurs bovins, ovins et caprins. Des maladies non transmissibles à l’homme mais qui ont un impact sur la santé des animaux et les échanges commerciaux.

« Le retour du froid a ralenti ce phénomène. C’est justement le bon moment pour vacciner les animaux sans signe clinique avant que cela reparte », indique le Dr David Ngwa-Mbot, vétérinaire conseil à GDS France, intervenant lors de l’assemblée générale du GDS 39, le 6 décembre à la Maison familiale rurale de Doucier.

« Il est possible que ces trois maladies soient présentes simultanément dans le département du Jura en 2025. Autant s’y préparer », prévient Franck Morel, directeur du GDS39.

La MHE se rapproche inexorablement, une grande partie de la Bourgogne est déjà en zone régulée.  « Dès que le Jura sera touché, et ceci n’est peut-être plus qu’une question de semaines, nous vous le ferons savoir très rapidement. Mais je vous invite à vous rapprocher dès maintenant de vos vétérinaires pour réserver des vaccins », indique Rémy Guillot, président du GDS 39. « Vous n’échapperez pas à la diffusion de la MHE sauf si vous mettez en place une vaccination massive », confirme David Ngwa-Mbot. Compte tenu du statut réglementé de la maladie et de ses conséquences pour les cheptels, l’Etat s’est engagé à prendre en charge le coût des vaccins sur la ligne de front de la zone régulée, dont fait partie le Jura.

D’autre part la FCO, dont deux sérotypes concernent actuellement le Jura. La nouvelle souche de FCO8 est arrivée dans le Jura dès le mois d’août et a été détectée dans 12 élevages ovins et 383 élevages bovins. Au 15 octobre, 10 foyers de FCO3 étaient recensés.

Le sérotype 3, étant une nouvelle maladie, elle est gérée par l’Etat qui a décidé de prendre en charge la vaccination afin de limiter la propagation. « Au vu de la diffusion, il semblerait que cette stratégie ne soit pas efficace sur ce point mais ce vaccin démontre son intérêt pour protéger les animaux infectés. L’essentiel est là » commente Rémy Guillot

Le sérotype 8 n’étant plus une maladie « exotique », la vaccination est à la charge de l’éleveur « et a prouvé son efficacité ».

La France est cernée

« La France est cernée par la MHE et la FCO », rappelle le vétérinaire de GDS France. La FCO compte 26 sérotypes viraux. En Europe, la FCO 12 a été identifié dans 12 élevages aux Pays Bas, l’origine en est pour l’instant inconnue. La FCO1 a également été mise en évidence en Espagne. « Chaque sérotype est en soi une maladie et on peut craindre de nouveaux virus par réassortiment. Sans compter les maladies à tiques qui arrivent rapidement », indique David Ngwa-Mbot. Le réchauffement climatique a un impact sur la diffusion de ces maladies transmises par des insectes mais ce sont aussi les mouvements d’animaux infectés qui favorisent la propagation sur le territoire. La prévention et la lutte contre les vecteurs restent de mise : désinsectisation des animaux et des moyens de transports, limiter les zones propices à la prolifération des vecteurs, maintenir les animaux en bonne santé… En parallèle, la vaccination est la méthode la plus efficace pour protéger les troupeaux.

Des pertes importantes

Pour illustrer l’impact de ces maladies, le GDS a fait appel au témoignage en visio de Valéry Lecerf, président FRGDS des Hauts-de-France, première région à avoir été touchée par la FCO3. « La FCO3 est un peu une nouveauté dans la gestion de la maladie avec des pertes par mortalité sur de jeunes animaux de moins d’un an nettement supérieures à la FCO8 et de gros problèmes d’avortements. Ce qui ajoute une sanction par la perte de la génétique ». L’éleveur du Nord se souvient : « le premier cas de FCO 3 est arrivé le 5 août. 10 jours après on avait les vaccins. ». Sa région se retrouve aujourd’hui avec trois situations : des troupeaux malades avant le vaccin avec des conséquences fortes ; des éleveurs qui ont vacciné alors que la maladie était en incubation ; et des troupeaux vaccinés bien en amont où les symptômes sont relatifs. Contre les réticences à vacciner, Valéry Lecerf, ne manque pas d’arguments. « Quand un problème surgit deux ou trois jours après une vaccination, la tentation est d’incriminer le vaccin, alors que c’est parce que l’immunité n’est pas encore installée. Il faut 10 jours pour les ovins et 5 semaines chez les bovins pour avoir une immunité après vaccin. Nous n’avons pas noté d’avortements supplémentaires à cause du vaccin. Sur les problèmes de fertilité : ce n’est pas le vaccin (qui est désactivé), mais la maladie qui est en cause. Chez nous, 100 % des ovins sont vaccinés et 50 % des bovins. Nous avons encore 10-15 foyers qui se déclarent chaque semaine dans les élevages non vaccinés. Les cheptels laitiers ont perdu entre 25 et 40% de lait dans les tanks. Aujourd’hui, il manque encore 4 litres par vache. Nous avons calculé l’impact financier : au 31 décembre, il manquera 20 000 euros de lait par élevage. A 10 euros par vache le vaccin, le calcul est vite fait pour garantir la production des mois et des années à venir. Aujourd’hui nous avons encore la possibilité d’avoir la vaccination gratuite, il faut peser le pour et le contre économiquement. »

A la tribune, Jean-Baptiste Alpy, Franck David, Rémy Guillot, Isabelle Morel et Pascal Martens

Concernant la MHE, un million de doses de vaccin ont déjà été délivrées en France, sans aucune déclaration d’effets négatifs, complète le Dr Ngwa-Mbot.

« Comment s’organiser concrètement pour la vaccination, avec 3 vaccins à faire ? ». A cette question d’un éleveur dans la salle, le vétérinaire du GDS France apporte deux éléments de réponse : « Nous dépendons des laboratoires qui travaillent sur des multivalents qui ne sont pas encore mis au point. Par ailleurs, les premiers résultats montrent que l’on peut injecter les vaccins en même temps mais nous n’aurons pas les résultats scientifiques pour cet hiver. C’est à voir avec votre vétérinaire et à l’éleveur de prendre la responsabilité de vacciner pour plusieurs maladies afin d’éviter les risques liés aux contentions. »

Velléités de sénateurs

Dans son rapport moral, le président Rémy Guillot a fortement exprimé ses craintes face au projet de sénateurs de confier la mission des GDS aux chambres d’agriculture. « Le GDS est une structure qui a fait ses preuves, représentant tous les éleveurs et les organismes. Qui mieux qu’une association d’éleveurs pour parler aux éleveurs », lance le président, interpellant les syndicats sur le sujet, à l’approche des élections chambre d’agriculture.

Pour la Coordination rurale, Emmanuel Rizzi redit son appréciation positive sur le fonctionnement des différents organismes, « une spécificité du Jura qu’il faut garder en état ».

Eric Druot, pour la FDSEA propose d’alerter les sénateurs et députés du Jura avec le GDS. « En cette période agitée, il faut apaiser et travailler en transversalité, trouver des solutions et travailler avec les éleveurs du Jura ».

Damien Juillard, vice-président JA et éleveurs ovins tient à remercier le GDS d’avoir soutenu les éleveurs face à ces différentes maladies. « Dans le Jura nous ne sommes pas touchés en ovins car nous avons pu rentrer les animaux. Mais notre coopérative est en Haute-Marne, nous avons besoin d’un travail régional plus large que BFC sur ce dossier », alerte le représentant JA.

Jean-Baptiste Alpy, vice-président de la chambre d’agriculture du Jura rappelle l’importance du rôle de la chambre d’agriculture : « Il est essentiel que les éleveurs aillent voter et que la chambre d’agriculture s’engage sur un projet de territoire pour l’avenir, par rapport au changement climatique, l’émergence des maladies, les restrictions d’eau… Demain quelles priorités vont être données ? Il est important que l’agriculture puisse perdurer, que les agriculteurs demain continuent d’exister. » 

« Pourquoi changer une équipe qui gagne ? », s’interroge Franck David, vice-président du conseil départemental, félicitant les éleveurs, les administrateurs et les collaborateurs du GDS pour le travail réalisé. Au passage, il annonce le soutien renouvelé du département au GDS à hauteur de 87 000 euros.

Isabelle Morel, directrice-adjointe de la DDETSPP, représentant le préfet, enfonce le clou : « Nous ne pouvons qu’être satisfait du partenariat important entre le GDS et l’Etat pour la gestion sanitaire du département ».

Clairement, le rapprochement des GDS avec les chambres d’agriculture n’est pas une demande dans le Jura.

IR

Les questions des éleveurs ont porté sur l’organisation des vaccinations