Commercialisation

Drives et distributeurs automatiques : l'avenir du circuit court ?

Selon le recensement agricole de 2020, près d'une exploitation sur quatre vend en circuit court : marchés, vente à la ferme, paniers… Des modes de commercialisation innovants, tels que drives et distributeurs automatiques de produits fermiers, rencontrent un franc succès ces dernières années. Mais est-ce seulement un engouement passager ou ces modes de commercialisation sont-ils solutions pérennes ?

Un franc succès

« Lorsqu'on s'est lancé, en 2021, on a pris de gros risques, on ne savait pas du tout si ça allait marcher. Mais en fait, les gens étaient ravis du concept », se souvient Véronique Bondenat, productrice de volailles, agneaux, œufs, cerises et de vignes avec son associé Julien Malleval, au sein du Gaec des 3 oies, dans le petit village de Saint-Romain-de-Popey dans le Rhône.

À Grenoble, lorsque des producteurs ont créé l'association La Charrette bio, il y a 15 ans, ils étaient particulièrement novateurs. Ils cherchaient un local pour monter un magasin de producteurs. Mais face à la difficulté à trouver, ils ont conçu un système de drive proposé dans divers lieux de la ville. « Il y avait un besoin des habitants qui cherchaient des produits frais en direct producteur, sans pour autant avoir l'engagement et la régularité qu'impliquent les systèmes de paniers », raconte Corentin Laloz, le salarié de l'association. Cinq fois par semaine, il se rend avec un camion aménagé chargé de produits fermiers dans des lieux de distribution de Grenoble pour remettre aux clients leur commande, effectuée en ligne la semaine précédente. Et ils règlent leur commande sur place. « Avec ce système, les producteurs n'ont plus à s'occuper de la vente, qui prend énormément de temps, explique le salarié. Ils peuvent se concentrer sur leur cœur de métier ». En échange de ce service, La Charrette bio prélève une commission allant de 20 à 30 % en fonction de l'implication des producteurs dans l'association.

Des contraintes

Dans la Drôme, le système de distributeurs automatiques des Rendez-vous gourmands mis en place le long d'une départementale très passante de Granges-les-Beaumont a lui aussi rencontré un franc succès. « L'oncle de ma femme produit des fruits et des légumes, qu'il vendait en direct le long de la route, explique le co-fondateur des Rendez-vous gourmands, Stephen Nobili. Le stand s'arrêtait fin août pour permettre à tout le monde de se reposer. Mais il y avait encore des productionsà écouler. Alors il a installé des casiers. En 2018, il en a mis 30. Puis, devant le succès, il en a ajouté 30 en 2019 et 20 en 2021. Ça fonctionnait très bien mais c'était très contraignant car il fallait remplir les casiers fréquemment. Alors, avec mon associé, on a eu l'envie de professionnaliser les choses. » Avec le fils du chef d'exploitation de la ferme, Geoffroy Vossier, ils ont créé en avril 2022 un concept de magasin hébergeant 350 casiers dans plusieurs automates, ouvert 7/7 J et 24/24h. « On a fait le tour des producteurs pour les sélectionner et proposer une offre de produits locaux complète. On voulait fournir un vrai service, équivalent à celui des grandes surfaces ». L'engouement a été tel que le magasin, qui fait aujourd'hui un chiffre d'affaires d'1 300 000 €, embauche 6 salariés, chargés de gérer les stocks et de remplir les casiers plusieurs fois par jour. En 2023, les Rendez-vous gourmands ont atteint 523 casiers, pour une cinquantaine de producteurs. « Ils sont très contents car ils vendent en quantité, sans avoir de permanence à tenir comme dans un magasin de producteurs. » Mais Stephen Nobili avertit : « Pour que ça marche, il faut être sur un lieu de passage ». Même constat chez Véronique Bondenat à Saint-Romain-de-Popey : « Au début, on était installés sur la place du village. Mais en 2023, on a dû déplacer le Cabacourt sur l'exploitation. On a perdu 30 % de chiffre d’affaires ». En cause : une série de vols. Avertis de ces problématiques d'effractions, les créateurs des Rendez-vous gourmands ont quant à eux investi dans des systèmes de sécurité de haut vol. Autre limite : pour garantir la fraîcheur des produits, les casiers sont bien souvent réfrigérés. Ce qui occasionne des frais en énergie, qu'il ne faut pas négliger.

Drive cube : le distributeur automatique low tech français

Alors que les distributeurs automatiques ont souvent pour défaut d'être consommateurs en énergie, une initiative rhodanienne a pris un autre parti. Drive cube est né de l'imagination d'un ingénieur, Régis Laurent et d'un directeur commercial, Antoine de Saléon-Terras. « Nous voulions permettre aux commerces de proximité d'accéder facilement à la même offre de service que les géants de l’e-commerce », se souvient Régis Laurent. « Les producteurs se battent pour vivre de leur métier. Pour cela, les circuits courts sont une solution mais cela leur demande beaucoup de temps de travail supplémentaire. Et du côté des consommateurs qui souhaitent s'approvisionner uniquement chez des producteurs locaux, bien souvent les horaires sont trop contraignants. » Drive Cube propose une solution innovante de simplicité. Avec un nombre de casiers à la carte, ils sont accessibles à moindre coût grâce à la location. De plus, cette technologie low tech ne demande pas d'accès à l'électricité, de connexion internet ou d’écran. « Le high-tech, nous l'avons déjà tous dans la poche avec notre smartphone », explique ainsi Régis Laurent. Ils permettent aux consommateurs de récupérer leur commande 7j/7 et 24h/24. Basés sur le click&collect, ils permettent au producteur de n'approvisionner les casiers que lorsqu'ils reçoivent une commande. Le client reçoit alors un SMS lui disant qu'il peut venir récupérer sa commande, grâce à un code à usage unique. Et depuis peu, Drive Cube propose une gamme de casiers isothermes permettant d'élargir la durée de conservation de la commande avant son retrait, sans aucune consommation électrique. Les casiers sont fabriqués en France, tout comme les abris. L'application (qui permet le paiement en ligne) est également développée et hébergée en France.

Leïla Piazza