Visite du président de la FNSEA
« Donnez-moi vos objectifs ! »
Mercredi 9 octobre, le président de la FNSEA était en Saône-et-Loire, à l’invitation de la FDSEA et des JA 71. Il était là pour répondre à toutes les questions « sans tabou », lesquelles furent nombreuses de la part de 150 agriculteurs et viticulteurs à Saint-Eusèbe puis à Buxy. « Sans langue de bois », Arnaud Rousseau a dit ses quatre vérités sur lui, la FNSEA, les organisations agricoles, les partis politiques français et, surtout, sur la suite des mobilisations de cet hiver.
Arnaud Rousseau était attendu de pied ferme dans notre département, qui certes est considéré comme la « petite France » avec toutes les productions possibles, mais où l’élevage –allaitant– tient une place particulière, tout comme la viticulture. Pour ce céréalier de Seine-et-Marne, l’étiquette collée par des médias –et opposants de toutes natures (ONG, syndicats…)– le précède comme LE promoteur d’une agriculture dite « industrielle », lui qui est aussi à la tête du groupe coopératif Avril. Au Gaec Dumout à Saint-Eusèbe, « beaucoup de questions » étaient posées, comme l’avait invité Christian Bajard, président de la FDSEA, pour « démystifier » le rôle, la force et les limites du syndicalisme majoritaire. Et si les questions ont été nombreuses, elles furent à l’image des agriculteurs de Saône-et-Loire, toujours posées dans un « sens constructif », même si, parfois la réponse ou l’absence de réponse « démagogique » ne faisait plaisir à personne. Arnaud Rousseau étant profondément un « responsable » syndical qui se fixe des limites, celles de « l’État de droit ».
« Arc-en-ciel politique »
Finalement, c’est sur la première question du président de JA 71, Maxime Bonnot, sur le renouvellement des générations et son objectif de remplacer « un pour un » les agriculteurs du département, qu’Arnaud Rousseau revenait sur tous les projets de loi « plantés par la dissolution voulue » par Emmanuel Macron au soir des élections européennes. Et après des manifestations historiques, « qui ont ouvert des portes et rendu possibles de nouvelles négociations » à Paris et à Bruxelles, remerciait-il au passage tous les manifestants même non-syndiqués, « les promesses obtenues » ont été laissées sur le bureau du Premier ministre, comme pourrait dire Gabriel Attal à Michel Barnier sur le perron de Matignon. Mais Arnaud Rousseau ne voit guère d’amélioration pour l’heure avec un gouvernement et une Assemblée nationale « aux couleurs politiques arc-en-ciel », donnant finalement un poids plus conséquent au Sénat.
Si la FNSEA se bat pour que toutes les « promesses soient tenues », les urgences climatique, sanitaire et donc économique ont rajouté des dossiers à la longue liste de demandes de cet hiver. À Saint-Eusèbe, tout le monde avait en tête la FCO-3 et 8 ainsi que la MHE. À Buxy, c’étaient aussi les pertes liées au mildiou dans les vignes ou les mauvaises moissons avec encore plus de 100 mm d’eau tombée dans la nuit du 7 octobre. Arnaud Rousseau a donc « trois priorités » actuellement : « l’urgence sanitaire », des « prêts garantis par l’État bonifiés, et pas juste garantis » et des « mesures fiscales et surtout sociales (allègements CRDS, CSG…) », conscient qu’un quart des 400.000 paysans restants sont sous la barre des 25.000 € de « revenu ».
Le travail restant par ailleurs entier sur la simplification administrative « qui ne coûte pas un centime à l’État », dans le contexte de déficit budgétaire de la France ou sur l’assurance, l’épargne de précaution ou les mesures fiscales pour faciliter la transmission familiale.
Nouvelles manifestations ?
« Mais on ne peut pas dire que rien ne s’est passé ! », répondait-il à plusieurs agriculteurs lui réclamant de ressortir en manifestations. Il citait déjà la simplification du dégrèvement sur le GNR pour 1,5 milliard d’euros. Et se voyait rétorquer que « ce n’est pas assez », « que les charges augmentent et que tout le monde se sert avant sur notre dos »… L’homme fort du syndicalisme, « qui passe deux jours par semaine dans les départements de France » et autant avec les politiciens, jouait alors carte sur table. « Si cela vous démange de repartir, prenez vos décisions en département. Mais avant de ressortir, je veux savoir ce qui est susceptible de vous faire rentrer ! Car, en France, beaucoup attendent que les paysans mettent le bordel pour en profiter. Je veux négocier des revendications précises pour des résultats majeurs », prenait-il pour engagement, encore visiblement marqué par le drame de la famille agricole fauchée sur la route RN20 à Pamier dans l’Ariège, au deuxième jour des manifestations le 22 janvier dernier.
Pas de précipitation donc. Même s’il croit à un 49.3 pour imposer le budget (PLFSS) à l’Assemblée nationale, « on (le conseil d’administration de la FNSEA, NDLR) prendra une décision début novembre après avoir vu à quelle sauce on est mangé dans le PLFSS ».
« Si ce n’est pas assez bien, venez »
Et de rappeler quelques vérités. « On ne fait pas tout bien à la FNSEA, mais on a besoin de se défendre » face à des « opposants », des « militants », des « idéologues dogmatiques »… « qui donnent des leçons d’agriculture aux paysans moins nombreux » et qui ont donc tout intérêt à rester unis, solidaires et organisés. « Si ce n’est pas assez bien pour vous, vous pouvez venir donner de votre temps », redisant la position syndicale de ne pas opposer les systèmes de production, d’être pour la liberté d’entreprendre, de défendre la souveraineté alimentaire, l’export et ne pas vouloir « importer la nourriture dont nous ne voulons pas » ou ne pas interdire sans solution si cela met des filières dans l’impasse, y compris les outils coopératifs et privés intermédiaires.
Si finalement, les débats se poursuivaient jusqu’à tard à la ferme de Marnay à Buxy puis à la cave Millebuis, Arnaud Rousseau répétait inlassablement son leitmotiv : « le cœur du réacteur, c’est ce qui vous reste à la fin du mois sur votre compte de résultat pour préparer l’avenir ». Et pas que, puisque la FNSEA « n’abandonne pas l’application du nouveau mode de calcul sur les 25 meilleures années pour les pensions de retraites agricoles dès 2026 et pas en 2028 », comme cherche à économiser ce 9 octobre le gouvernement. « Il y a un an et demi, cette mesure a été adoptée à l’unanimité dans le PLFSS. Si l’administration n’est pas capable de la mettre en œuvre depuis, il faut que les politiques se remettent en question ». Une belle façon de remettre tout le monde à sa place et au travail.
Cédric Michelin