INTERVIEW
« Un maire a besoin d’une reconnaissance statutaire »

Alors que les prochaines élections municipales se tiendront en 2026, l’association des maires ruraux de France (AMRF) appelle à la reconnaissance du statut des élus. Explications avec son président, Michel Fournier.

« Un maire a besoin d’une reconnaissance statutaire »
Michel Fournier (à gauche), président de l'association des maires ruraux de France (AMRF). ©ID_TD

Qu’est-ce que cela signifie « d’être maire » en 2024 ?

Michel Fournier : « Être maire en 2024 nécessite un engagement courageux. C’est une mission passionnante. Je me rends compte que depuis mon premier mandat en 1989 [Michel Fournier est maire de la commune Les Voivres (Vosges) depuis 1989. NDLR], les fonctions de maire ont beaucoup évolué. Aujourd’hui, un maire est un spécialiste généraliste. Il doit, en effet, aborder des questions liées à l’administration de sa commune, mais pas seulement. Il doit exister également au sein d’autres structures comme les intercommunalités, les syndicats… L’engagement est chronophage. Être maire signifie être l’élu de tous les administrés de la commune, quel qu’il soit et accepter des choses qui ne sont pas forcément de notre point de vue. Il faut avoir une grande capacité de résilience, tout en ayant une autorité. Ainsi, un maire, aujourd’hui, a surtout besoin d’une reconnaissance statutaire qui est complètement différente de ce qu’elle était auparavant. Dans le cas contraire, dans les communes rurales notamment, il ne sera malheureusement plus possible de trouver des gens pour s’engager. Les personnes qui ont encore une activité professionnelle ne pourront plus le faire, car elles ne pourront pas concilier les deux. »

L’association des maires ruraux de France (AMRF), que vous présidez depuis le 14 novembre 2020, a justement présenté « 35 propositions pour un statut de l’élu » 1. De quoi s’agit-il concrètement ?

M.F. : « Il est nécessaire, par exemple, de déterminer une indemnité qui soit à la hauteur de la fonction et qu’elle soit prise, en partie, en charge par l’État. Actuellement, cette indemnité est entièrement financée par le budget communal. Toutefois, nous représentons l’État au sein de notre commune et, à ce titre, nous devrions avoir une base d’indemnité liée à la reconnaissance de la fonction. Par ailleurs, pour la retraite future des maires qui ont encore une activité professionnelle, il devrait être possible de valider au moins un trimestre au cours d’un mandat [un mandat de maire dure six ans. NDLR]. Il y a également une nécessité de formations. »

Quel est votre sentiment vis-à-vis des intercommunalités et du partage des compétences ?

M.F. : « Les communes bénéficient de la clause de compétence générale. Toutefois, certaines compétences ne peuvent pas être exercées par une commune seule, d’où l’intérêt des intercommunalités composées par les communes. L’intercommunalité est un outil. Il faut choisir quelles sont les compétences qui ne peuvent pas être exercées pour différentes raisons par les communes seules. Il faut que cette situation soit choisie et non imposée, comme ce fut le cas avec la loi. Cette perte de compétences a créé du désarroi et un refus d’un système qui était normalement fait pour aider, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas aujourd’hui. C’est difficile pour un élu dans certaines situations de se dire : « A quoi je sers ? » Les gens se recroquevillent dans leur commune. Preuve en est, entre 25 et 30 % des maires ne se rendent plus au sein des intercommunalités. Les maires ont le sentiment de ne pas avoir leur mot à dire et souvent ils ne l’ont pas. Il ne faut plus imposer de nouvelles compétences obligatoires et laisser le choix à chaque secteur d’organiser son fonctionnement. Il faut davantage de souplesse. La commune et les départements sont la proximité, c’est une évidence même s’il ne faut pas exclure les autres strates. »

Près de 70 % des maires revendiquent leur satisfaction en tant qu’élu. Êtes-vous un maire heureux ?

M.F. : « Oui, je suis un maire heureux par ce que j’ai la couenne qui est dure et le cuir qui est tanné. J’ai conscience d’avoir eu la possibilité, sur différents points, de réaliser beaucoup de choses au profit de ma commune, du territoire et plus largement également, notamment avec les maires ruraux. Je ne me suis jamais embêté dans ma vie. »

Les prochaines élections municipales auront lieu en 2026. Vous indiquez que l’enjeu du renouvellement des générations d’élus est grand pour l’AMRF. Quel message souhaiteriez-vous faire passer à ceux qui hésitent à franchir le pas ?

M.F. : « Essayez, si vous en avez l’opportunité. Il y a, en effet, un réel épuisement de certains maires, mais il y en a 70 % qui sont satisfaits. Nous devons faire en sorte que les nouveaux qui vont s’inscrire dans cet engagement ne fassent pas partie des 30 % restants. Cela passera notamment par un statut reconnu, un accompagnement et une aide comme nous pouvons l’apporter au sein de l’association dont le leitmotiv est : « Des maires au service des maires ». »

Propos recueillis par Marie-Cécile Seigle-Buyat

1 -Les 35 propositions sont à retrouver ici : https://www.amrf.fr/les-dossiers/statut-de-lelu/