Entre Picarreau et Bonnefontaine, au lieu-dit "Sur les Rochettes", les moutons seront bientôt de retour sur les vingt-sept hectares d’anciens pâturages pastoraux en friche pour y entretenir une ferme photovoltaïque. Ce projet, porté par Dominique Pellin, maire du village, devrait permettre de fournir de l’électricité à l’équivalent de la population de Lons-le-Saunier.
Dès l’automne 2021, soixante-quatre mille modules photovoltaïques installés sur les vingt-sept hectares de terrain fourniront 29,5 Gwh/an. Cette énergie décarbonée procurera de l’électricité à dix-mille foyers hors chauffage, et sera revendue au réseau Enedis. Le rejet de CO2 dans l’atmosphère évité est estimé à mille deux-cents tonnes. Cette centrale sera la deuxième plus importante de Bourgogne-Franche-Comté.
Le projet a été lancé en mai 2016 par le maire de Picarreau, Dominique Pellin et son conseil municipal. Le village s’inscrit ainsi dans la loi de transition énergétique qui définit que, d'ici à 2030, 32 % de l’énergie consommée par la France devait être produite grâce aux énergies renouvelables. « Nous nous sommes orientés vers le solaire, car l’éolien commençait à avoir mauvaise presse, » se souvient l’élu. « Des démarcheurs faisaient des promesses aux communes sans tenir compte des enjeux. ». C’est pourquoi le village a préféré rédiger un cahier des charges très contraignant, comprenant un important volet environnemental et lancer un appel d’offre remporté par la société Corsica Sole.
Compensation environnementale
Le terrain a été choisi pour ses atouts : communal, il dispose d’une zone d’ensoleillement favorable et est peu visible. Cette pelouse calcaire en friche depuis vingt-huit ans est difficilement exploitable.
Pour compenser les vingt-sept hectares dédiés à cette ferme solaire, des haies et des bosquets seront mis en place sur dix-huit hectares. Ils comprendront des îlots de vieillissement de forêt existante, laissés sans intervention humaine pendant au minimum trente ans, et des milieux semi-ouverts favorables à la biodiversité animale et végétale. Par ailleurs, l’ONF replantera dix hectares supplémentaires d’arbres. Les quatre-cents tonnes de bois issues du défrichement seront orientées vers des chaufferies régionales.
Le site de production électrique sera remis en pâture sans traitement et l’accès sera donné à des bergers de Bonnefontaine. En échange de l’occupation gratuite, ils auront la charge de l’entretien du parc. Les moutons effectueront un nettoyage naturel. Tout autour, un sentier pédagogique expliquera le projet et ses enjeux aux promeneurs : déroulement des travaux, retombées économiques… Il permettra aussi de découvrir la faune et la flore des alentours.
Début des travaux
Un suivi écologique par des acteurs environnementaux locaux sera réalisé chaque année au début, puis tous les 5 ans. Le long terme est aussi pris en compte puisque trois-cent mille euros de réserve seront provisionnés pour le démantèlement futur des installations.
Le projet respecte les conditions de haute qualité environnementale relatives au patrimoine, au paysage, à la qualité des sols, de l’air et de l’eau, prévues par la réglementation. Après une étude d’impact environnemental portant sur quatre saisons, il a obtenu un avis favorable du commissaire enquêteur en octobre 2018. Il a reçu tous les feux verts nécessaires à sa mise en œuvre : commission de régulation de l’énergie (CRE), chambre d’agriculture, préfecture et direction départementale des territoires (DDT).
A cause de la crise du Covid et des confinements, les travaux ont pris un peu de retard. Le défrichement est réalisé, les premières plantations compensatrices ont débuté et le diagnostic archéologique préventif est en cours. Les premiers panneaux solaires devraient être posés au printemps pour une livraison de la station à l’automne 2021.
Financement participatif
La construction du parc photovoltaïque, ainsi que son raccordement au réseau, nécessitent un investissement total de 18,7 millions d’euros. Un financement participatif permettra d’associer les citoyens qui, en acquérant des actions, apporteront 40 % des fonds propres nécessaires à la construction, soit 1,3 millions d’euros. La collecte s'ouvrira fin novembre 2020 sur la plateforme enerfip.fr. L'investissement est réservé aux habitants du département du Jura et des départements limitrophes : l'Ain, la Côte d'Or, le Doubs, la Haute-Saône et la Saône-et-Loire. La mairie de Picarreau prendra également part au financement du projet. Actionnaires, les citoyens et la commune intégreront la gouvernance de la société.
La mise en place d'un tel financement citoyen va permettre au projet d'obtenir une bonification tarifaire de 3 € par MWh produit. Autrement dit, chaque kWh sera acheté par EDF 0,3 centimes d'euro plus cher que si le porteur de projet avait choisi de ne pas faire de financement participatif.
De plus en plus de soleil
Dominique Pellin aurait souhaité plus d’aide pour monter ce projet : « Il s’agit d’un dossier complexe, lourd à porter. Depuis quatre ans, nous alternons les douches froides et chaudes. » La commune espère de ce projet des retombées économiques. « Le seuil de rentabilité du solaire monte vers le nord au fil des ans, » explique le maire. « Le nombre d’heures d’ensoleillement ne cesse d’augmenter. Lons-le-Saunier reçoit aujourd’hui autant de soleil que l’Ardèche il y a huit ans. » Les tarifs de l’électricité revendue par la ferme à Enedis seront garantis pendant vingt ans.
Le premier magistrat de la commune escompte aussi que la ferme soit un vecteur d’emploi. Un agent communal sera affecté à 60 % sur le parc solaire. Avant même la mise en service, les premiers effets se font ressentir : les restaurateurs des environs, en grandes difficultés ces temps-ci, assurent la livraison de repas sur le chantier.
Sébastien Closa