Les agricultrices ont encore de nombreux défis à relever
Le documentaire d’Édouard Bergeon, Les femmes de la Terre, a été projeté jeudi soir à la salle du Rex à Champagnole à l’occasion d’un ciné-débat. Cet évènement organisé par le GVA Champagnole-Salins et la MSA de Bourgogne Franche-Comté, rend hommage aux agricultrices et à leurs combats. À la fin de la projection, Aline Burri, Isabelle Vergus, Marie-Charlotte Lebrun Jacques et Hélène Liegeon nous ont livrés leurs propres expériences, poignantes, en tant que femmes travaillant dans le monde agricole.

Salle presque comble ce jeudi 13 mars. Des femmes bien-sûr, mais aussi des hommes venus pour regarder le documentaire "Femmes de la terre", qui rend hommage aux agricultrices françaises, trop longtemps restées dans l'ombre. Ce film retrace leur combat pour obtenir un statut, des droits et une reconnaissance, depuis l'après-guerre jusqu'à nos jours. À travers des archives personnelles et historiques, ainsi que des témoignages poignants, Edouard Bergeon met en lumière ces femmes qui dirigent aujourd'hui plus d'un quart des exploitations agricoles en France.
Il y a 60 ans… et pourtant, c’était hier
Lorsque le documentaire "Femmes de la terre" s’achève, une réaction s’impose dans la salle : « C’est une évolution frappante en 60 ans ! », s’exclame Isabelle, un constat partagé par l’ensemble des spectateurs. Le film met en lumière les combats acharnés qu’ont dû mener les femmes du monde agricole pour obtenir reconnaissance et droits.
L’émotion est palpable, notamment dans la voix d’Aline Burri, indignée face à la non-reconnaissance du statut d’agricultrice et à la négligence des besoins spécifiques des femmes. Les témoignages bouleversants du documentaire révèlent un quotidien éprouvant : entre le travail harassant à la ferme, l’éducation des enfants et les tâches domestiques, les agricultrices de l’époque devaient tout assumer, sans l’aide des équipements modernes dont nous disposons aujourd’hui. Une réalité qui résonne encore dans le public, où femmes, hommes et jeunes expriment leur admiration face à cette lutte menée avec détermination.
Une révolution qui a aussi bénéficié aux hommes
Loin de ne concerner que les femmes, ces avancées ont également transformé le quotidien des hommes. « Le GAEC entre époux est une avancée aussi pour les hommes », souligne Hélène. En effet, avant cette reconnaissance, lorsqu’un GAEC, souvent constitué entre un père et son fils, devait être dissout, les couples n’avaient d’autre choix que de passer en EARL, une solution parfois contraignante pour les deux parties.
Le film met en avant des figures engagées comme Anne-Marie Crolais, ancienne présidente du CDJA des Côtes-d’Armor en 1976. Grâce à son engagement sans faille, elle a porté haut la voix des agricultrices, mais aussi celle des exploitants dans leur ensemble, œuvrant pour de meilleures conditions de travail. « J’ai une profonde reconnaissance pour ces femmes et pour leur combat après-guerre. Elles doivent continuer à s’affirmer et à prendre leur place dans les instances agricoles », témoigne Éric, un spectateur marqué par le film.
Un combat toujours d’actualité
Si des progrès notables ont été réalisés, le monde agricole reste marqué par des inégalités persistantes. Les mentalités évoluent, mais trop lentement, et être une femme agricultrice signifie encore, pour certaines, devoir sans cesse prouver leur légitimité.
Marie-Charlotte en témoigne avec douleur : rejetée par son père lorsqu’elle a exprimé son désir de reprendre l’exploitation familiale, elle se souvient de cette phrase glaçante : « Les femmes ne peuvent pas être exploitantes, elles doivent s’occuper de la famille. » Un préjugé malheureusement encore répandu. De son côté, Laura, jeune agricultrice installée en GAEC avec son mari, confie ressentir une certaine défiance de la part de son beau-père lorsqu’elle prend des décisions pour l’exploitation.
La nouvelle génération d’agricultrices a encore de nombreux défis à relever. Si elles peuvent s’appuyer sur des acquis solides et des modèles inspirants, l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle reste un enjeu majeur. Trop de femmes continuent de sacrifier leurs aspirations pour répondre aux impératifs du foyer.
L’avenir du monde agricole passera par une meilleure répartition des tâches et une représentation accrue des femmes dans les instances de décision. L’égalité des retraites, l’accessibilité du métier pour les jeunes filles souhaitant s’installer et la reconnaissance pleine et entière des agricultrices sont autant de combats encore à mener.
Le chemin est tracé, mais la lutte doit continuer.